Tôle?

Tôle.


(…)


… Tôle?

TÔÔÔLE!


(…)


Ok…

TÔÔÔLE!

Ok calme-toi…

TÔÔÔÔÔÔÔÔÔLE!

Caaaaaalme/

TÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔÔLE!


(…)


Tu vas-tu finir par me dire c’est quoi?

Ça sooooooonne.

Un band?

Ça racooooonte.

Des histoires?

Ça buuuuuuuuuuuuzz.

Une drogue?


(…)


Un collectif.

Un collectif?

C’est un collectif.

Un collectif de quoi?

De gens cool.


(…)


C’est tough à expliquer, c’pour ça j’peux pas te répondre sérieusement.

J’sais pas moi, commence kek’part?

Ben mettons… qu’on aime créer ensemble.


(…)


Vous « aimez » créer ensemble?

Ça part de d’là ouin.

Ok…


(…)


Ça part ben.

J’te dis, c’est tough à expliquer.

Moi aussi j’aime ça faire d’la poterie avec ma mère, j’ai pas parti de collectif avec elle pour autant.

Non mais ce mot-là : aimer.

Hmm hmm?

Y’est important.

Hum?

Y’est fondamental.

« Aimer »?

Tôle est amour.


(…)


Mon dieu…

Ma… Tôle.


(…)


Faque c’t’une secte vot’ affaire?

Exactement!

Super.


(…)


Non r’garde mettons…

Hum?

Ok. Ok ok ok mettons…

Mettons quoi?

Mettons que t’arrives : y’a une affaire qui dépasse.


(…)


T’arrives?

Oui.

Où ça?

Pas important.

Une « affaire qui dépasse »?

Juste à côté d’un dépanneur, d’un camion de pompier, d’une marque de jeans, d’un post haineux, d’un lustre, d’un piano à queue, d’un roman russe, d’un plant de tomates, d’un feedback de guitare, peu importe, y’a quelque chose qui dépasse, ça attire un peu l’attention, ça t’oblige à aller voir même si t’aimes pas les dépanneurs, les bornes fontaines, les galeries d’art, les tomates, la haine, les pianos, les queues, les russes, la laitue romaine, les films de banlieue en noir et blanc, y’a ce petit affaire-là qui dépasse, qui t’attire, tu sais pas pourquoi, jamais avant ça t’avait intéressé mais là ça te donne faim, ça te force à manger, manger tout ce qui a autour, manger ce qui traine autour en petits tas bien organisés, tout ce que les autres ont placé autour de ce petit bout qui dépasse et qui continue à t’obséder, à t’exciter te hanter te modifier tellement que tu te mets à t’essouffler à essayer de croquer pis respirer pis mâcher tout ce qui traîne autour, téter pourlécher ruminer triturer le petit bout qui dépasse, tu gosses autour tu gosses pis à force ça se déloge, quelque chose se déloge autour, ça s’effrite oui oui, ça tombe tranquillement autour et derrière, oui oui et derrière y’a d’la lumière, de la légèreté, un mystère, une ouverture, de la nourriture pour l’âme, du Reader’s Digest, une chaise de patio en or massif, une bourse pour recherche et création, ça t’abime un peu les yeux mais tu continues pareil, ça t’abime un peu le reste de la vie, mais tu continues pareil, y’a quelque chose dans ce petit bout-là qui te fait l’effet d’un éclair, d’une coupe de cheveux : c’est de la métallurgie concrète et surnaturelle.

… Une bourse pour recherche et création?

Concrète mais surnaturelle c’est ça : Tôle est amour métallurgique et surnaturel.


(…)


« L'homme n'échappe aux lois de ce monde que la durée d'un éclair. Instants d'arrêt, de contemplation, d'intuition pure, de vide mental, d'acceptation du vide moral. C'est par ces instants qu'il est capable de surnaturel. »


(…)


… qui qui parle là?

Simone Weil.

La politicienne?

Non Weil avec un «W »: la philosophe.

Ah.

Et mystique.

Oh.

On est plus « mystique » que « politique ».

Ok.

On est « polystique ».


(…)


«Polystique »?

On s’étale, à l’horizontale, comme une algue, pour se régaler du suc surnaturel des choses.


(…)


C’pour ça j’voulais pas t’expliquer, dès qu’on met des mots, ça fuck tout’ la patente.

Non non.

Oui oui là tu penses qu’on est une secte d’énervés qui font des sacrifices en gang sur des toits de grange.

J’ai jamais – faites-vous ça pour vrai?


(…)


Juste quand c’est la pleine lune.


(…)


Ok. C'est beau.